À partir du 1er avril 2025, une évolution majeure impactera l’indemnisation des arrêts maladie pour les salariés du secteur privé et certains agents contractuels de la fonction publique : le plafond de calcul des Indemnités Journalières de Sécurité Sociale (IJSS) est abaissé de 1,8 à 1,4 fois le montant mensuel du Smic. Cette mesure, officialisée par le décret n°2025-160 du 20 février 2025, publié au Journal officiel le 21 février, représente une évolution significative aux multiples conséquences pour les salariés, les employeurs et les organismes de prévoyance.
Contexte et motivations de la réforme
Cette réforme intervient dans un contexte d’augmentation substantielle des dépenses liées aux indemnités journalières, dépassant les 17 milliards d’euros prévus pour l’année 2024. Face à ce constat, le gouvernement a entrepris une série de mesures visant à réaliser des économies et à lutter contre une progression jugée excessive du volume financier des IJSS. L’objectif affiché est également de prévenir le recours aux arrêts maladie. Il est important de souligner que cette modification a rencontré une opposition notable, notamment de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), qui a émis un avis négatif unanime, estimant que cette mesure n’était pas la réponse la plus adaptée à l’augmentation des IJ. Le conseil d’administration du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) avait également appelé à renoncer à cette réforme.
Calcul des IJSS et impact du plafonnement
Le calcul des IJSS en cas de maladie non professionnelle continue de reposer sur le revenu d’activité antérieur du salarié. Pour les salariés mensualisés, ce revenu correspond à 1/91,25 du salaire brut soumis à cotisations des trois derniers mois civils précédant l’arrêt de travail. L’indemnité journalière de base est égale à 50 % de ce salaire journalier de base. Un délai de carence de trois jours reste applicable pour les salariés du secteur privé, ce qui signifie que l’indemnisation débute à partir du quatrième jour d’arrêt.
La modification majeure introduite par le décret concerne le plafond des revenus pris en compte pour ce calcul. Jusqu’au 31 mars 2025, ce plafond était fixé à 1,8 fois le Smic mensuel. À compter du 1er avril 2025, ce plafond est abaissé à 1,4 fois le Smic mensuel.
Sur la base d’un Smic mensuel de référence de 1 801,80 € (montant utilisé dans les exemples des sources), le nouveau salaire de référence maximal pour le calcul des IJSS est de 2 522,52 € (1 801,80 € x 1,4), contre 3 243,24 € (1 801,80 € x 1,8) auparavant.
Cette diminution du plafond a une incidence directe sur le montant maximal de l’IJSS. Conformément à l’article R323-9 du Code de la Sécurité sociale, l’indemnité journalière maximale passe ainsi de 53,31 € à 41,47 €. Cette baisse de près de 22% du montant maximal des IJSS affectera tous les salariés dont la rémunération brute mensuelle est supérieure à 1,4 fois le Smic.
Quelles répercussions sur les acteurs du monde du travail ?
Impact sur les salariés
Les salariés percevant une rémunération supérieure à 1,4 fois le Smic mensuel verront leurs indemnités journalières de la Sécurité sociale diminuer en cas d’arrêt maladie. Cette baisse sera particulièrement significative pour ceux qui ne bénéficient pas d’un maintien de salaire de leur employeur (notamment en cas d’ancienneté insuffisante) ou d’un régime de prévoyance complémentaire.
Prenons l’exemple d’un salarié percevant en moyenne 3 000 € bruts par mois. Avant le 1er avril 2025, son salaire journalier de base était de (3 000 € x 3) / 91,25 = 98,63 €, et son IJSS s’élevait à 98,63 € x 50 % = 49,31 €. Après le 1er avril 2025, son salaire de référence sera plafonné à 2 522,52 €. Son salaire journalier de base recalculé sera (2 522,52 € x 3) / 91,25 = 82,96 €, et son IJSS sera de 82,96 € x 50 % = 41,47 €. Sur un mois de 30 jours, la différence d’indemnisation s’élèvera à 235,20 € bruts pour ce salarié.
Ce différentiel d’indemnisation pourrait avoir plusieurs conséquences :
- Une diminution du revenu de remplacement pendant l’arrêt maladie pour les salariés concernés.
- Une pression accrue sur les salariés, qui pourraient être incités à limiter leurs arrêts maladie, même nécessaires, par crainte d’une perte de revenus trop importante.
- Un risque accru de présentéisme, où des salariés se rendent au travail malgré leur état de santé, comme le soulignent les sources.
Impact sur les employeurs
Les employeurs soumis à une obligation de maintien de salaire, que ce soit en vertu de la loi (article L1226-1 du Code du travail) ou de dispositions conventionnelles plus favorables, verront leur charge financière augmenter mécaniquement. La part des IJSS versée par la Sécurité sociale diminuant pour les salariés dont la rémunération dépasse le nouveau plafond, l’employeur devra compenser une part plus importante pour maintenir le niveau de rémunération habituel pendant la durée légale ou conventionnelle du maintien de salaire. Cette évolution devra être anticipée dans les budgets prévisionnels des entreprises.
Face à un coût potentiellement plus élevé des arrêts maladie pour certains de leurs salariés, les employeurs pourraient être davantage incités à recourir à la contre-visite médicale patronale, dont le cadre juridique a été assoupli en 2024. Le décret du 5 juillet 2024 a introduit de nouvelles dispositions concernant la suspension des indemnités complémentaires en cas d’arrêt de travail, notamment en obligeant les salariés à communiquer leur lieu de repos et les horaires de disponibilité en cas de « sortie libre ». L’employeur peut désormais suspendre le complément de salaire dans plusieurs cas, tels que l’arrêt de travail infondé, l’impossibilité de contrôle imputable au salarié, le refus de se présenter à la convocation ou l’absence lors de la visite à domicile.
Impact sur les régimes de prévoyance
Les organismes de prévoyance devront également s’adapter à cette nouvelle donne. La diminution des IJSS pourrait entraîner une augmentation des prestations à leur charge pour maintenir le niveau de couverture antérieur des salariés. Afin de compenser cette augmentation potentielle des dépenses, il est probable que les organismes de prévoyance soient amenés à réviser leurs garanties et à augmenter les cotisations, qu’elles soient salariales et/ou patronales. Cette réforme devrait donc avoir des implications significatives sur l’équilibre financier des régimes de prévoyance et impacter les négociations au sein des branches professionnelles.
Spécificités pour les agents publics
Bien que la question principale concerne les salariés du secteur privé et les agents contractuels pour les IJSS, il est important de noter que des changements distincts sont également intervenus pour les agents publics concernant l’indemnisation des arrêts maladie. À compter du 1er mars 2025, les trois premiers mois d’arrêt maladie pour les fonctionnaires et les contractuels sont indemnisés à hauteur de 90 % du traitement indiciaire, contre 100 % auparavant. Durant les neuf mois suivants, l’indemnisation reste à 50 % du traitement. Les agents publics conservent par ailleurs une journée de carence en cas d’arrêt maladie. Il est crucial de distinguer ces mesures spécifiques au secteur public de la modification du plafond des IJSS qui concerne principalement le secteur privé et les agents contractuels pour le calcul de leurs indemnités journalières versées par la caisse d’Assurance maladie.
Conclusion
La baisse du plafond des IJSS au 1er avril 2025 constitue une réforme d’envergure qui aura des conséquences financières importantes pour les salariés ayant des revenus supérieurs à 1,4 Smic, pour les employeurs tenus au maintien de salaire, et potentiellement pour les organismes de prévoyance. Cette mesure, motivée par des impératifs économiques et une volonté de réguler les dépenses liées aux arrêts maladie, nécessite une adaptation des pratiques de gestion des ressources humaines au sein des entreprises et une information claire auprès des salariés sur les nouvelles modalités d’indemnisation. Il est impératif pour les entreprises d’anticiper ces changements dans leur gestion de la paie et de prendre en compte les implications potentielles sur leurs coûts et leurs politiques de gestion des absences.
Il est essentiel de souligner que le décret prévoit une application aux seuls arrêts de travail débutant à compter du 1er avril 2025. Les arrêts de travail ayant débuté avant cette date continueront d’être indemnisés selon les anciennes règles, avec un plafond de 1,8 SMIC. Les services des ressources humaines devront donc être particulièrement vigilants dans la gestion de cette période de transition et dans le suivi des dates de début des arrêts maladie.